A l’occasion de l’exposition de ses œuvres, notamment ses livres sculptés et mis sous cloche, petit exercice de curiosité.
Dans la salle vitrée attenante à la mairie de Jouy-en-Josas sont accrochées pour « 1 mois, 1 artiste » les photographies de Bertrand Runtz. Au fond, des livres sur une petite table rappellent discrètement que, l’artiste le dit lui-même : au centre, il y a d’abord l’écriture, le noyau dur.
Question : depuis quand Bertrand Runtz se pique-t-il de littérature ?
« Maman, je te présente Albert, un ami écrivain ; Albert, je vous présente Simone, ma mère… »
Réponse dans le court texte « La visite ». Nous sommes en 1985 dans le sud de la France. Jeune adulte, ses maîtres s’appellent Baudelaire et Céline. La mèche de cheveux pseudo-romantique, il se pique déjà de littérature « […] peu importe que personne n’y entende rien à mes gribouillages véhéments. Ça ne m’étonne pas. Peut-être même tant mieux. J’ai la fibre maudite et complaisante, la tournure sciemment tourmentée. L’enfance qu’il faut. […] ». Dans le cimetière où sa mère – partie une année à Pâques sans espoir de retour – repose, se trouve également, en face, la dernière demeure de l’écrivain Albert Paraz. Le devoir familial devient curiosité littéraire. Cet été-là, assis sans façon sur sa tombe, il croit entendre Paraz lui donner ce conseil « Il ne faut jamais mollir, surtout en écriture. Appeler un chat un chat ! Le sentiment vrai, le mot vrai. Il n’y a que ça qui compte. Etre juste. Et tant pis si ça gratte, si ça tache ! Ou alors tu finiras en cucuteries de salons. Tu survivras, mais tu seras foutu ! »
Bertrand Runtz a alors vingt-deux ans.
Une vingtaine d’années plus tard…
- La maison d’édition bordelaise finitude est dans la fleur de l’âge. Elle reçoit différents textes de Bertrand Runtz. Un seul lui plaît, mais qu’en faire ? Finitude a la bonne idée d’en faire une carte de vœux littéraire envoyée à son réseau professionnel. Sur les presses de Plein Chant à Bassac (Charente), elle tire ainsi deux-cent-cinquante exemplaires de Reine d’un jour, un texte de vingt-cinq pages, annonçant fièrement son premier roman pour l’année suivante et lui promettant le Goncourt … en 2022. Bertrand Runtz sent qu’il tient peut-être là l’occasion de travailler avec l’éditeur, il se hâte d’écrire Amère et l’envoie.
- Prix Paroles d’Encre pour Amère, premier roman paru chez finitude, illustré d’une sculpture – un arbre poussant à travers un livre, des morceaux de papier accrochés aux branches – photographiée par l’artiste.
Cinq ans plus tard…
Les adhérents de l’association versaillaise Paroles d’Encre sont invités à une lecture-concert chez Bertrand Runtz, sur la colline des Metz, quartier de Jouy où il vient de s’installer*. Le texte Reine d’un jour leur est offert. Ils découvrent un autre invité également publié chez finitude, Christian Estèbe, devenu pour Bertrand «un vrai pote, un poteau, un frère », comme Albert Paraz l’était pour Céline.
Depuis, Bertrand n’a pas molli.
Christophe Baillat
« 1 mois, 1 artiste » avec Bertrand Runtz. Du lundi 5 mars au lundi 30 avril 2018. Exposition visible aux horaires d’ouverture de la mairie. Salle vitrée du rez-de-chaussée.
* Cahier historique de Jouy-en-Josas n°24 hiver 2017-2018