Le samedi 18 juillet s’est produit à Villiers-le Bâcle un évènement qui a été relaté dans les journaux régionaux, une « opération Césarion » en quelque sorte :
- « La résistance s’organise sur le Plateau » pour le Républicain de l’Essonne,
- « Y aura-t’il une ZAD sur le Plateau de Saclay ? » pour Essonne Info,
- « la cabane des opposants à l’urbanisation a été détruite » pour le Parisien,
- « la force reste à la loi » pour l’Essonnien.
Ce dernier article comportait aussi une déclaration de la Préfecture, que le GRACOPS1 a tenu à commenter, toujours dans les colonnes de l’Essonnien. Le commentaire publié comportant quelques défauts de mise en page, il est reproduit ci-après in extenso :
ZAD du plateau de Saclay – Commentaire du GRACOPS1 sur la réponse préfectorale
Une tentative de constitution d’une ZAD démantelée ? Félicitons nous de l’intervention efficace d’une escouade de gendarmerie empêchant une dangereuse bande d’activistes en short et chapeau de paille de dresser une cabane symbolique dans un champ.
Ceux-ci n’avaient pas pris la peine de demander une autorisation de travaux, inspirés peut être par l’article 29 de la loi Macron, qui permet de ne plus faire démolir les constructions illégales autorisées abusivement en zone agricole. Ils croyaient naïvement que l’accord verbal du maire suffisait. Gageons donc que les autorités feront preuve de la même vigilance envers la ferme-usine de Drucat qui a outrepassé les surfaces du bâti de son permis de construire et exploite actuellement 220 vaches de plus que son autorisation …
Mais passons l’anecdote, et citons : « Le préfet de l’Essonne, au nom de l’intérêt général, regrette et condamne les désinformations. Il rappelle que la République garantit, tout au long des procédures, l’expression démocratique de toutes les opinions dans le cadre des lois et règlements. »
Tout à fait d’accord avec lui dans le principe, sauf que dans les faits, l’Opération Paris-Saclay n’est pas un modèle du genre.
Que penser de l’information du public effectuée par les « interlocuteurs en responsabilité » ? Leurs « actions de communication » sont bien les mots justes car elles utilisent les techniques de la communication publicitaire : slogans, « story telling », glorification de la compétition, onirisme de la grandeur, incantation sur l’intérêt national. Techniques appropriées pour vendre l’idée du projet en faisant rêver l’inconscient collectif. Il n’y a qu’à relire le texte de la préfecture pour entendre une variation bien jouée de la partition. La glose sur plus de 2400 hectares de terres agricoles protégées omet que sur le Plateau, c’est seulement 2333 ha, le reste étant hors OIN et dans les vallées. Et elle attribue à l’Etat une « attention toute particulière » alors qu’il avait été contraint par la lutte associative locale à n’en massacrer que 400 ha au lieu de 1000. A l’aube de la COP212 à Paris, le bilan carbone de cette urbanisation vaut bien d’être lauréat d’un fonds ministériel d’un demi-million d’euros pour la croissance verte !
Quant à la désinformation condamnable ? C’est celle pratiquée par des opposants qui se permettent de discuter la notion d’intérêt général et ne cessent de stigmatiser le projet, lui reprochant des incohérences et une démesure inutiles, ainsi que l’autoritarisme autiste qui l’impose. Car malheureusement pour le confort de l’Etat et de sa technostructure, il existe sur le territoire une intelligence collective qui regroupe des individus compétents et qui, avec des moyens le plus souvent bénévoles, recoupe les études contradictoires et propose des solutions alternatives. Outre les associations majeures et reconnues comme « Terre et Cité » et les AVB3, l’exemple significatif est celui de COLOS4 qui publie sur son site internet des réquisitoires implacables, dont le dernier en date porte également sur cette réponse préfectorale.
Parlons donc de l’expression démocratique garantie par les procédures de la République. Le cas d’école est celui de l’Enquête Publique sur le CDT5 Paris-Saclay Territoire Sud. A l’issue d’un travail de compilation remarquable, la Commission d’Enquête a émis un avis défavorable le 23 avril 2015, rendant justice à la contribution des centaines de citoyens ayant participé. Mais ce cas exceptionnel tranche avec la succession d’enquêtes partielles morcelant le projet pour échapper aux critères d’un vrai débat public, et où les commissaires enquêteurs n’ont pas eu le même courage. Pour preuve récente, celle pour DUP6 du secteur de Corbeville : sur un dossier inconsistant, malgré les contestations fondées dont celle de la Chambre d’Agriculture interdépartementale d’Ile de France, l’avis rendu est favorable, sans l’ombre d’un commentaire ni de recommandations.
Pour revenir au CDT-Sud précité, la recommandation n°5 de la Commission d’Enquête était de « renforcer substantiellement la concertation, pendant la période d’actualisation, de finalisation et d’adoption du CDT, ainsi que pendant le suivi de sa mise en œuvre en créant un mécanisme de concertation ». L’EPPS7 travaille sur l’actualisation de ce CDT depuis juin, le comité de pilotage a été réuni le 10 juillet, ses 7 maires disposent d’une confidentielle copie de travail. Le préfet de l’Essonne, qui préside ce Comité de Pilotage, veut bien nous rappeler que la République garantit l’expression démocratique mais il ne donne aucune nouvelle sur le mécanisme de concertation recommandé !
Si les pratiques courantes d’application des lois et règlements sur les débats publics étaient satisfaisantes, pourquoi le Président de la République a t’il confié au sénateur Alain Richard une commission spécialisée du CNTE8, chargée de proposer des pistes de rénovation? En mars 2015, cette commission a procédé à l’audition de 12 représentants de mouvements d’opposition aux GPII9, puis à celle du Président de la CNDP10. Monsieur le Préfet pourrait s’inspirer de leurs propositions concrètes de modernisation de la démocratie participative.
Il y a en France plus de 50 de ces Grands Projets, tous antinomiques avec les objectifs de la COP21. Certains sont : emblématique comme à Notre-Dame-des-Landes, tragique comme à Sivens, bloqué comme à Roybon. Nous n’en sommes pas encore là sur le Plateau de Saclay, mais cabane ou pas, la trentaine de personnes du 18 juillet sont des lanceurs d’alerte loin d’être isolés. Notre territoire est bien une Zone à Défendre.
1 GRACOPS : Groupe de Réflexion et d’Action Citoyenne sur l’Opération Paris-Saclay
2 COP21 : 21ème réunion de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques
3 AVB : Amis de la Vallée de la Bièvre
4 COLOS : Collectif OIN Saclay, regroupant plus de 100 associations
5 CDT : Contrat de Développement Territorial
6 DUP : Déclaration d’Utilité Publique
7 EPPS : Etablissement Public Paris-Saclay
8 CNTE : Conseil National de la Transition Ecologique
9 GPII : Grand Projet Inutile et Imposé
10 CNDP : Commission Nationale du Débat Public