Source : Le Figaro du 13/09/2012.
Le rapprochement entre grandes écoles et universités accuse un ralentissement.
Le dossier Saclay fait son retour. Nicolas Sarkozy avait fait de ce grand campus, regroupant au sud de Paris écoles, universités et organismes de recherche, un projet emblématique de son quinquennat. Aujourd’hui, alors que la volonté politique sur le sujet s’est infléchie, voire tue, les luttes intestines, sous-tendues par d’impossibles collaborations, semblent reprendre le dessus. Quel est donc l’avenir de notre «Silicon Valley»? Le 10 septembre, le président de l’université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ), l’un des 23 acteurs de ce campus, a rompu le silence. Il s’inquiète de voir son université se déliter dans un grand ensemble, sur lequel elle n’aurait plus de prise. Il constate aussi que ce projet ambitieux s’est fait «plus banal».
Retour sur cette ambition scientifique collaborative, qui symbolise tout à la fois l’excellence à la française et les paradoxes d’un système d’enseignement supérieur et de recherche dual confrontant grandes écoles et universités dans un jeu de pouvoir inégal. À l’origine du projet, le plateau de Saclay, devenu le premier pôle scientifique de sciences industrielles après la Seconde Guerre mondiale. Le CNRS et le CEA s’y sont installés, suivis dans les années 1970 de Polytechnique et de Supélec et plus récemment du centre R & D de Danone et des laboratoires de Thales. Ce «cluster», produit 10 % de la recherche en France. Il compte deux prix Nobel et six médailles.
Ce campus que Nicolas Sarkozy souhaitait voir concurrencer Cambridge ou le MIT a bénéficié en 2009 de 850 millions d’euros dans le cadre du plan campus, auxquels s’est ajouté un milliard d’euros, l’année suivante, avec le grand emprunt. Il s’agit du projet le plus doté de l’histoire universitaire. L’histoire de ce projet, chapeauté par une fondation de coopération scientifique crée en 2006, s’est accélérée lorsqu’il a été labellisé «Idex» (initiatives d’excellence) en février 2012. Car le projet Idex, qui prévoit l’avènement, pour 2014, de l’«université Paris-Saclay», invite à un rapprochement étroit de 19 établissements (deux universités, dix grandes écoles, sept organismes de recherche). Constituée sous la forme d’un établissement publique de coopération scientifique (EPCS), elle affiche pour ambition d’accueillir 50.000 étudiants et de se faire une place parmi les 10 premiers du classement de Shanghaï. Ce nouvel ensemble fait rêver. Seulement voilà: tous les acteurs ne semblent pas se retrouver dans cette future université. Les grandes écoles y conserveraient leur statut particulier, là où les deux universités du projet, Paris-Sud et l’UVSQ, sont appelées à se fondre – surtout la seconde, moins prestigieuse…
Au-delà, le projet accuse un ralentissement évident. Les relations avec les entreprises, censées être gérées pour l’ensemble des établissements par la future entité, semblent poser problème. Bref, la mutualisation apparaît n’être aujourd’hui qu’un vain mot. Si le projet Saclay a fortement marqué le quinquennat précédent, c’est parce qu’il incarnait une certaine vision de l’excellence, consistant à faire émerger sur le territoire des pôles sur lesquels devaient se concentrer les moyens. Une vision contestée par nombre de syndicats. Aujourd’hui, alors que les assises de l’enseignement supérieur sont en cours, ces derniers attendent des signes. La ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, choisira-t-elle d’enterrer les Idex?