Le mercredi 29 octobre, 22 familles Roms ( 60 personnes dont 25 enfants) ont été expulsées d’un terrain appartenant au conseil Général de l’Essonne et situé sur la commune de Châtenay-Malabry, près du Petit-Clamart.
Processus parfaitement rodé par notre bureaucratie : diagnostic ADOMA ; sélection de 6 familles ayant 12 enfants jugées récupérables, auxquelles sera attribué un logement ; évacuation des autres sur des hôtels du 115 avec un crédit de 7 nuitées.
L’expulsion a été exécutée de manière exemplaire et glaciale. A 7 h arrivée des militants. A 7h30, du brouillard matinal, surgissent, casqués, bottés, 50 policiers encadrant le sous-préfet d’Antony et la commissaire de police de Châtenay. A 8h appel des familles ; qui pour les résidences ADOMA, qui pour le 115, qui pour le fossé si non recensées. A 8h30, arrivée des camionnettes pour enlèvement des bagages puis de camions pour emmener les roulottes à la fourrière de Wissous. Des mini-bus enfin pour conduire les familles vers leurs destinations. A 12h tout sera joué avec la destruction des 25 cabanes.
Ce processus s’est déroulé dans le plus grand calme, avec un discret soulagement peut-être, donnant l’exemple d’une République soucieuse des Droits de l’Homme.
Et c’est précisément cette belle apparence qui est troublante car cette petite mascarade aurait pu être jouée autrement. Le maire UMP de Châtenay, Georges
Siffredi, qui n’est pas un tendre, avait en en effet donné en février 2013 son aval pour une solution intercommunale bien adaptée à la situation : avec les maires des villes environnantes- Clamart, Meudon, Vélizy- il était prêt, pour étudier une réponse pérenne, à rencontrer un représentant du Conseil Général de l’Essonne. Fût alors proposée à ce dernier par la coopérative Habitats Solidaires et le Fondation Abbé Pierre l’implantation de bungalows en bois démontables. Le tout pour un budget réduit , ( bungalows d’occasion , mini réseaux d’électricité, d’eau et d’égouts) , étant précisé que ce terrain est inscrit comme « zone pavillonnaire » au PLU de Châtenay
Face au silence persistant du Conseil Général d’Evry, cette piste fut définitivement considérée comme irréaliste par la chaîne des organisations qui avaient négocié le protocole d’expulsion résumé dans la circulaire d’août 2012 . Dès lors était considérée a-priori comme inapropriée toute solution ne s’inscrivant pas dans les règles du jeu convenues.
Cette leçon de choses témoigne du poids des routines qui encadrent les relations entre les différents acteurs, publics et privés. Elle témoigne encore d’une approche privilégiant les règles d’action convenues aux solutions hétérodoxes .
La réponse à l’occupation des terrains, qu’elle ait lieu avec l’accord tacite du propriétaire comme au Petit-Clamart ou de façon illicite, peut alors être ramenée de mois en mois à une pure technologie de l’expulsion, particulièrement soft dans le cas présent, mais qui ne doit pas tromper : une grande méfiance à l’égard de solutions locales et atypiques malgré des réussites reconnues ; une grande confiance dans le savoir-faire et la prudence sans imagination des préfectures –ce tout n’interdisant aucunement les bavures comme à Bobigny.
La mutation en cours de la société française, que ce soit dans la capacité d’innovation industrielle, dans le renouveau des pratiques agricoles, dans l’écoute exigée des décideurs, dans la créativité à la source de l’action sociale et solidaire, s’exprime bien entendu à travers l’ambiguïté de cette expulsion.
Celle-ci, en dépit des grandes précautions prises, traduit les blocages à répétition face aux adaptations nécessaires des pouvoirs publics comme de leur relais dans la société civile.
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