Pendant le marché de Noël ce 1er décembre 2024, l’artiste plasticienne Karine Bedjidian – notre guide pour l’occasion – nous révèle les mille et un détails du fonctionnement de la manufacture de Toile de Jouy. Avec ses œuvres, on découvre ce musée autrement. Elles prennent place naturellement dans des cadres posés sur le mobilier des salles d’évocation historique. Dans la chambre de Madame Oberkampf ou le bureau de Christophe, le manufacturier allemand à l’origine de cette industrie qui prospéra à partir de 1760 dans la vallée de la Bièvre et ferma ses portes en 1843.
Chaque dessin exécuté à partir d’un fichier numérique (en provenance du musée ou issu de ses propres recherches sur Gallica …) lui a demandé une centaine d’heures. La plasticienne détaille son travail : Il y a « le temps de l’acuité de l’œil jusqu’à ce qu’il parvienne à distinguer les couleurs. D’autant que je ne mélange pas, je les superpose, il me faut sept couleurs différentes pour obtenir un noir. Je dessine au critérium avant de venir poser les couleurs au feutre à l’encre de Chine – le repentir n’est pas possible – sur une feuille de papier carré à grain fin. J’aime rompre l’équilibre [du format carré] en créant une harmonie par d’autres éléments plastiques ».
Interrogée sur ses maîtres, Karine Bedjidian évoque volontiers Jan Van Eyck (vers 1390-1441), un peintre classé comme primitif flamand qui a un sens de la minutie dans le travail*. Les dessins de son lointain disciple nous plongent dans l’univers de l’industrie manufacturière, qu’il s’agisse des ingrédients utilisés pour la production ou la transformation des toiles de coton (les indiennes), du geste final des pinceauteuses, ou de l’humble vache dont les excréments servaient à la teinture à la garance. La vallée où coule la Bièvre, qui emprunte à la carte de Cassini levée au XVIIIe siècle, rentre dans le même format aux petites dimensions (20 cm x 20 cm) que les autres dessins, toujours encadrés d’une frise.
Ce n’est qu’après une recherche menée en collaboration avec l’équipe muséale, suivie d’une lente observation chromatique, que l’artiste (Compte instagram @BEDJIDIAN_KARINE) a prêté sa main à ce travail exécuté sur un an de novembre 2023 à octobre 2024. L’exposition Car, finalement nous ne faisons qu’un, est à voir jusqu’au 5 janvier 2025 au Musée de la Toile de Jouy, 54 rue Charles de Gaulle 78350 Jouy-en-Josas.
Article écrit pour Wukali.com dont le rédacteur en chef, Pierre-Alain Lévy, a aimablement autorisé ici une reprise partielle.
Christophe Baillat
* Conférence de Patrice Mauriès, Le retable de l’Agneau Mystique, chef d’œuvre de Jan Van Eyck à Gand, YouTube, Storia Mundi, 2022.
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