Depuis la fin mai, un campement dénommé Zaclay, contraction de l’acronyme « ZAD » (« Zone A Défendre » lui-même issu de « Zone d’Aménagement Différé ») et de « Saclay », s’est installé au bord de la RD36 sur la commune de Villiers-le-Bâcle. Ici, entre tentes, barnums, et installations, un groupe de citoyens, pour la plupart issus de collectifs ou d’associations des environs, organise une présence constante, des rencontres et des mobilisations. Leurs objectifs : lutter contre la bétonisation des terres agricoles du plateau de Saclay et contre une ligne 18 qui serait le cheval de Troie d’une urbanisation massive de ces terres. Leurs propositions : préserver une agriculture en circuits courts et préférer des investissements de modernisation dans les RER B, C et des bus en sites propres plutôt que dans la ligne 18 du Grand Paris Express, pour un territoire qui se prépare et s’adapte au changement climatique.
Rencontre avec « Camille », membre de ce collectif.
La ligne 18 semble déjà bien engagée. Croyez-vous pouvoir arrêter ou faire infléchir ce grand projet ?
Pour le moment, les travaux réalisés par la Société du Grand Paris sont des travaux préparatoires. Bien que cette phase soit spectaculaire et que des destructions irréversibles ont eu lieu, il est encore possible de sauver beaucoup d’espaces naturels ou agricoles. Dans le contexte actuel de crises climatique, sanitaire et financière, abandonner ce projet serait du bon sens. En ce qui concerne notre action, elle vise à transmettre un message d’espoir à la population. Il faut augmenter la pression sur les décideurs politiques pour obtenir la mise à l’arrêt de ce grand projet inutile et imposé, et un moratoire sur l’ensemble des travaux.
Que dites-vous aux usagers du plateau qui réclament une meilleure offre de transports collectifs ?
Qu’on les a trompés depuis le début, car la ligne 18 n’est en rien une réponse à leurs besoins. Au contraire, la ligne 18 masque l’abandon des vraies solutions. Les études de fréquentation l’ont montré de façon répétée : même après la réalisation de tous les programmes de l’opération dite « d’Intérêt National », de Massy à Versailles, la ligne 18 à l’heure de pointe ne fonctionnera qu’à 10% de sa capacité maximum. Pourquoi ? Parce qu’elle ne suit pas la direction de la majorité des trajets domicile-travail sur le plateau, qui se font essentiellement en direction des vallées.
Quelle serait selon vous une meilleure approche pour prendre des décisions plus démocratique sur ce type de grand projet ?
Les territoires doivent être aménagés en écoutant celles et ceux qui y vivent, et non par une vision d’ingénieur depuis les open-spaces des tours de la Défense ou d’ailleurs. Il aurait fallu organiser très tôt des débats publics informés et transparents pour la définition des objectifs. Nous avons aujourd’hui tous les outils pour permettre cette réflexion collective. Les récentes expériences citoyennes (Grand Débat, Vrai Débat, Convention Citoyenne pour le Climat) ont montré qu’on peut ainsi converger vers des propositions ambitieuses, techniquement solides et respectueuses de l’intérêt général. Ce qui manque toujours aujourd’hui, c’est clairement la volonté politique d’écouter la parole des gens. Il y a en France un mépris profond de l’expertise citoyenne par les technocrates.
Êtes-vous en relation avec des agriculteurs de plateaux de Saclay ? Que vous disent-ils ?
Ils sont entre révolte et résignation, car le rouleau compresseur avance inexorablement et la Société du Grand Paris ne connaît toujours aucun contre-pouvoir. Le campement de Zaclay, c’est aussi l’antidote à cette résignation. Tant qu’il reste des terres agricoles, des gens se lèveront et les défendront. Et ce n’est pas qu’une affaire d’agriculteurs, qui ont leurs contraintes et leurs difficultés, mais celle de tous ceux et celles qui s’inquiètent de construire un avenir meilleur.
Quelle serait votre vision idéale de développement du plateau de Saclay à l’horizon 2050 ?
Des villes et des villages équilibrés, accueillants, des transports publics de desserte fine qui nous fassent oublier la voiture et réduisent vraiment les trafics routiers, des liaisons douces faciles et sûres pour les vélos et les piétons, et enfin et toujours une agriculture de proximité, soutenue par la population et qui nous approvisionne en produits frais et sains. Nous avons encore un territoire riche en espaces nourriciers et naturels, nous avons un grand potentiel pour des emplois de proximité, pour nous adapter au changement climatique. Il reste cependant à trouver un équilibre et à stopper la fuite en avant actuelle. Apprenons à prendre soin du plateau de Saclay, pour nous-mêmes et surtout pour les générations jeunes ou à venir.
Pour en savoir plus sur Zaclay : https://nonalaligne18.fr/zaclay-occupons-les-champs
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