– Qu’entendez-vous par Optimistes Numériques ?
Par-là, je désigne ces personnes qui parviennent à fédérer des communautés virtuelles pour mieux agir ensuite sur le terrain. Elles ne se bornent pas à dénoncer, mais agissent en formulant des propositions concrètes, dans un esprit constructif. Plutôt que de se positionner « contre », de dénoncer, elles mettent leur énergie à montrer qu’il est possible d’agir en faveur d’un développement durable, des droits de l’homme, de la responsabilité sociale de l’entreprise,…
– Des exemples ?
Je citerai les personnes que j’ai conviées à la conférence : Marie Yard, responsable des campagnes France pour le mouvement citoyen mondial Avaaz et qui a notamment coordonné la marche parisienne pour le climat du 21 septembre dernier ; Marie Gervais qui a co-fondé en septembre 2015 une Ecole Dynamique à Paris (une école dans laquelle les enfants et adolescents sont auteurs et responsables de leur propre éducation) et fonde aujourd’hui l’Ecole Démocratique Paris-Saclay ; Aline Baudry-Scherer, qui, tout en partageant son expérience de jeune mère au foyer, à travers des billets d’humeur postés sur le net, a développé un webzine qui fourmille d’idées de sorties pour enfants. En septembre dernier, elle a publié un premier roman, auto-édité via Amazon. Son livre se vend très bien et a même des retombées presse, ce qui lui vaut d’être invitée dans des salons du livre.
Seront également présents Henry Peyret, un spécialiste de l’impact des technologies dans le monde des affaires ; enfin, quelqu’un que vous connaissez bien, puisqu’il s’agit de Julien Monier, co-créateur d’Essonne Info, en 2010. Je lui ai demandé de témoigner de sa double expérience de la presse en ligne et du crowdfunding (auquel il a eu recours pour financer le développement de son site).
Comme vous le voyez, ces personnes sont très différentes, mais toutes à leur manière incarnent cette génération Y au sens où ils cherchent à donner du sens à ce qu’ils font.
– Sont-ce des personnes qui se désignent elles-mêmes comme des « O.N. » ou votre démarche vise-t-elle aussi à révéler l’existence d’une communauté, qui pratiquerait de l’optimisme numérique comme Monsieur Jourdain de la prose ?
En effet, l’enjeu est aussi de révéler une communauté. Plutôt que de théoriser sur une notion – celle d’optimisme numérique, en l’occurrence -, je souhaite, à travers des exemples concrets, montrer au public que tout un chacun peut à son tour être un optimiste numérique ou se reconnaître comme tel, qu’on peut déjà commencer à agir près de chez soi, grâce au numérique. J’ai la conviction que chacun d’entre nous a une part de créativité, qui a juste été muselée par le modèle éducatif dominant, et que cette part ne demande qu’à s’exprimer pour faire évoluer les choses, à son échelle.
– Vous retrouvez-vous aussi dans la notion d’empowerment ?
Oui, même si, de prime abord, on peut y voir une notion à la mode et pour tout dire abstraite. En réalité, le numérique concourt à lui donner corps, en élargissant les moyens d’action des individus, ici et maintenant. Et je crois que c’est précisément ce qu’ont compris les O.N. : il est possible non seulement de redonner du pouvoir aux individus en les fédérant au sein de communautés sur le net, pour mieux agir ensuite sur le terrain.
A contrario, les ressources du numérique tendent à bousculer la notion de gouvernement au profit de celles de gouvernance et de leadership. Aujourd’hui, les gouvernements n’ont plus de capacité à entraîner le plus grand nombre. Le véritable leadership est du côté des foules connectées et des nouveaux médias en émergence.
– Que dites-vous à ceux qui objecteraient le fait que la valorisation de ces O.N. risque d’aggraver la fracture numérique en laissant au bord de la route tous ceux qui n’y ont pas accès ?
Je répondrai que cela est bien au cœur des préoccupations des O.N. : s’ils fédèrent des communautés en ligne, c’est pour mieux venir en soutien, à travers des actions sur le terrain, des laissés-pour-compte. Le fait même d’agir sur le terrain altère les risques de fracture numérique. Prenez le cas d’Avaaz, qui, à travers des pétitions en ligne, arrive à sensibiliser bien au-delà de la communauté des internautes. De même, c’est à travers un blog (et plusieurs ouvrages) que Marie-Gervais a pu maturer son projet d’école qu’elle duplique actuellement sur Paris-Saclay.
– Comment vous-même en êtes-vous venu à vous intéresser à ces O.N. et à organiser cet événement ?
Cela est probablement né de la convergence de plusieurs constats que j’ai pu faire au travers de mes diverses activités professionnelles et autres. Un premier constat est que, même dans une économie digitale, la confiance et la réputation restaient des valeurs cardinales. C’est quelque chose dont m’a fait prendre conscience Henry Peyret, que j’ai cité tout à l’heure – c’est l’un des intervenants à la conférence du 23 juin.
Ensuite, force est de constater qu’il est possible, toujours grâce au net, de renouveler les modes d’actions y compris micro-locales. C’est plus qu’un constat, la conviction que j’ai acquise à travers monSaclay.fr, qui, à cet égard, s’est imposé pour moi comme un vrai laboratoire d’expérimentations.
Et puis, il y avait tout ce qui se dit depuis quelques années autour de la génération Y et qui a été éclairant pour moi. A l’évidence, il y a bien une toute nouvelle génération, qui pense et agit différemment de celle des papy-boomers, avec pour particularité d’être plus en quête de sens. C’est ce triple constat qui m’a amené à parler d’Optimistes Numériques.
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