Entrepreneurs à Centrale Paris : valoriser les talents étudiants
Entretien avec Hervé Biausser, Directeur de l’Ecole Centrale Paris
Source : Le Parisien
L’école Centrale met le paquet sur l’entrepreneuriat avec une initiative assez unique : accueillir des étudiants d’autres établissements pour développer leurs projets. Une preuve de la volonté de cette grande école de favoriser la création d’entreprise. Hervé Biausser revient sur cette initiative et livre également sa vision sur plusieurs sujets essentiels de l’enseignement supérieur.
Vous avez lancé une offensive sur le thème de l’entrepreneuriat avec, notamment, un concours ouvert à des candidats non scolarisés à Centrale. N’avez-vous pas le sentiment que les grandes écoles sont en retard sur ce terrain ?
Le fait de développer l’entrepreneuriat n’est pas une idée neuve. À Centrale, nous avons démarré la filière entrepreneur en 2001. Nous avons lancé cet enseignement de 3e année en posant comme principe : ce qui est important ce n’est pas l’entreprise, mais l’entrepreneur. Nous avions fixé comme objectif que 10% de la promotion intègre cette filière. Cet objectif est atteint depuis 2010. Et le mouvement s’amplifie.
Quant à notre incubateur, il accueille à ce jour 20 projets et ce sera sans nul doute le double quand nous serons sur le plateau de Saclay. Nous sommes convaincus qu’il y a de nombreux profils entrepreneurs chez les jeunes comme chez les salariés en activité. Le public est donc là mais il est nécessaire, pour nous grandes écoles, de mettre en place des structures d’accueil permettant de valoriser leur talent. En ce qui nous concerne, dès la première année, nous poussons les jeunes vers cette spécialité en les aidant de manière très concrète.
Selon la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), on manque d’ingénieurs en France. C’est votre avis ?
C’est un sujet très débattu. Je pense que si nous formions plus d’ingénieurs, nous aurions aisément la capacité de les placer dans les entreprises. J’en profite d’ailleurs pour signaler que l’on manque d’ingénieurs « filles ». Le problème de fond concerne selon moi les nombreuses possibilités offertes désormais aux ingénieurs qui peuvent se diriger vers de nouveaux métiers comme la finance, les services, la logistique ou encore les achats. Ces fonctions aspirent nos diplômés et les détournent des secteurs traditionnels, comme l’industrie, qui reçoivent mécaniquement de moins en moins de candidatures. Sans parler du secteur informatique et numérique qui est le premier recruteur des diplômés de nos écoles, car il ne connaît absolument pas la crise.
Les étudiants de Centrale se placent donc encore très bien ?
En 2011, nos étudiants disposaient de plusieurs offres à la sortie de leurs études. Aujourd’hui, je n’ai pas relevé de signaux d’alerte sur les recrutements de la promotion qui sort en cette fin d’année (NDR : les étudiants de Centrale sont diplômés en décembre). Je suis convaincu que le marché est encore porteur. En revanche, je ne me prononce pas pour fin 2013. Les entreprises seront probablement très prudentes.
N’avez-vous pas le sentiment que le fameux Plateau de Saclay (appelé la Silicon Valley européenne) où vous allez vous installer en 2016 risque d’arriver trop tard ?
Nous avons besoin d’un campus neuf et nous voulons nous rapprocher « physiquement » de nos partenaires naturels. Donc, notre déménagement est parfaitement justifié. Tout de même, il ne faut pas trop tarder et faire en sort que cela avance vite, afin que les 19 acteurs du Plateau soient totalement rassurés. Le gouvernement a une grosse responsabilité : c’est en janvier qu’il donnera la date de mise en œuvre des transports en commun dans la zone. Les décisions annoncées seront capitales. La date de 2020 me semble raisonnable mais plus on attend, plus il y a des risques que ce gros « machin » traîne. Heureusement que les rapprochements sont d’ores et déjà en cours avec des travaux en commun.
Face à la désindustrialisation, nos ingénieurs risquent-ils de quitter la France ?
Nous n’avons pas encore de signaux qui indiquent des départs massifs. Mais cela dépend aussi des perspectives qui vont se présenter dans les mois à venir. D’après les experts, la crise sera moins forte en France. J’ai envie de les croire. Il n’y aura donc pas d’exode à l’instar des grecs, des portugais ou des espagnols. Nous n’en sommes pas là !
Les assises de l’enseignement supérieur viennent de s’achever. Pas un mot sur les grandes écoles ! Le nouveau gouvernement est-il hostile ?
Durant les assises, on a plutôt évoqué ce qui ne marchait pas. Pas ce qui fonctionne bien ! Nous sommes toujours de belles institutions. De plus, Madame le ministre m’a assuré qu’elle ne souhaitait pas rallumer une quelconque « guéguerre » entre universités et grandes écoles. Et il n’y a pas de raisons. A la CGE (Conférence des grandes écoles), nous avons dénombré plus de 1000 accords entre facs et grandes écoles. Tout va bien donc.
Où en est-on du rapprochement « Centrale-Supelec » ?
L’essentiel des décisions sera annoncé d’ici mi 2013. Mais ce qui est sûr, c’est que le principe de rapprochement est acté. Nous sommes en pleine construction.
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