quelle horreur ! voilà un grand carré d’herbe à vache et je me propose de le mettre en culture. On est en décembre et si je veux y mettre des patates au printemps prochain, je vais devoir relever mes manches… J’en ai déjà des douleurs dans le dos ! Me voilà donc bêche à la main, et je plante, et je tire et je soulève, et je m’arc-boute, arrache la grosse motte de terre avec les racines… Bien entendu pas moyen de retirer la terre d’entre ces fichues racines… C’est froid, j’ai mal aux mains et avec un rendement d’un mètre carré à l’heure, me voilà vite découragé…
Le cauchemar finit par m’éveiller et là, je reprends un peu connaissance ! Ouf, c’était juste un mauvais rêve : j’ai eu chaud, je peux me rendormir sur mes deux oreilles. Pendant ce temps, ma terre se prépare toute seule, et c’est bien agréable à penser.
Comment cela est-il possible ? Bien simplement : il faut laisser dame nature faire son travail, qu’elle fait bien mieux que nous. Si vous allez en forêt et que vous grattez une épaisse couche de feuilles mortes, dessous, trouverez vous de l’herbe à vache ? de la terre dure et compacte ? Peu probablement ! Vous trouverez sans doute une terre meuble, légèrement pulvérulente, fleurant bon l’humus et habitée par un quantité inouïe de microscopiques bestioles -et de plus grosses. Acariens, insectes, mille pattes, vers de terre, sans compter des tas de micro champignons. Et tout cela constitue un sol au sens propre du terme.
Ainsi, si vous recouvrez votre herbe à vache d’une épaisse couche végétale, foin, paille, feuilles mortes, qu’on appellera paillage (ou mulch pour les adeptes de l’anglais), suffisamment épaisse pour couper toute lumière, l’obscurité va commencer par étouffer les plantes chlorophylliennes. Exit l’herbe à vaches ! Et à moindre titre, les orties, les rumex et autres adventices dont on se passerait facilement au jardin. Puis la microfaune va se mettre au travail. Elle découpe l’herbe tuée et ses racines en micro morceaux que les vers de terre se font un régal de faire disparaître ! Après 5 à 6 mois, il restera une terre bien meuble et pulvérulente sur une bonne vingtaine de centimètres, prête à être ensemencée. L’idéal aurait été de pailler en septembre octobre, mais il est encore temps. Au pire, il faudra aider un peu pour planter en avril mai !
Pour planter, pas besoin de dépailler… Surtout pas ! Vous écarterez un peu votre paillage et mettrez en place tubercules ou jeunes plants. Le paillage sera ensuite remis en place en laissant une trémie autour des plants pour les laisser s’épanouir ou juste sortir de terre. Le paillage va alors capter la rosée du matin et assurer l’arrosage. En cas de pluie, il la répartit et la conserve plus longtemps près de la surface. Comme il reste opaque, il continue à empêcher la pousse des « mauvaises herbes » (qui, rappelons-le sont toutes les plantes dont on ne connait pas encore les vertus !). Vous alternerez les plantes au fil de la saison et privilégierez la variété aux « planches » monoespèces qui favorisent les maladies et les attaques de parasites et insectes dévastateurs. Bien entendu, vous mettrez ici ou là quelques jolies fleurs qui attireront les abeilles pour polliniser vos plantes à fruits.
En fin de saison, il suffira de compléter le paillage avant l’hiver et de recommencer. De temps en temps, on peut bêcher et enfouir le vieux paillage pour en mettre un tout à fait nouveau mais ce n’est pas absolument nécessaire ! Par contre, on peut le retirer, épandre une couche de compost puis remettre le paillage en place : la faune du sol fera là encore le boulot d’enfouissement et elle le fera bien mieux que nous…
Paresseux ? oui, un peu, j’avoue, surtout pour ce qui est de retourner la terre comme le brave Martin de Brassens ! Mais le jeu en vaut la chandelle.
Alors pour la saison prochaine, jardiniers, à vos bêches : mettez les au salon et regardez les pendant tout l’hiver !!!
1 Comment
Merci pour ce papier Nicolas.
Je pense qu’il est tout à fait en adéquation avec un mouvement de fond vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement sur notre plateau.
Je conseil d’ailleurs le documentaire de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global — http://www.solutionslocales-lefilm.com/